Mise à jour 12 octobre 2020 - De nombreuses restrictions de précaution qui ont été imposées pendant le semi-confinement de Covid-19 ont été levées en juin. La surveillance du travail des enfants dans le cadre du SSRTE de la Fondation ICI s'est poursuivie dans les mêmes 263 communautés que celles couvertes par cette étude, et les données recueillies au cours des mois de juillet, août et septembre 2020 ne montrent aucune différence significative sur les taux d'identification du travail des enfants par rapport aux taux moyens de la même période que les années précédentes. Cela suggère que le risque de travail des enfants est revenu aux niveaux attendus pour la période. La Fondation ICI continuera à suivre la situation par le biais de son SSRTE et publiera bientôt une mise à jour détaillée.


L’analyse des données de 263 communautés productrices de cacao en Côte d’Ivoire montre une augmentation du nombre d’enfants identifiés effectuant des travaux dangereux dans la production de cacao pendant le semi-confinement lié à la Covid-19. Les données des Systèmes de Suivi et de Remédiation du Travail des Enfants de la Fondation ICI ont révélé une augmentation de l’identification du travail des enfants de 16 % à 19 % durant les deux mois entre le 17 mars et le 15 mai, soit une augmentation de 21,5 %.

Une analyse rapide des données recueillies par les Systèmes de Suivi et de Remédiation du Travail des Enfants (SSRTE) de l’International Cocoa Initiative en Côte d’Ivoire suggère une augmentation du travail dangereux des enfants pendant le confinement partiel du pays implementé pour contrôler la propagation du virus Covid-19.

Bien que nous ne puissions pas être certains des mécanismes derrière cette augmentation à ce stade (plus de recherche sera nécessaire pour mieux comprendre cette hausse), les tests statistiques effectués dans le cadre de cette analyse soutiennent l’hypothèse que cette augmentation dans l’identification du travail des enfants dans la période du 17 mars au 15 mai 2020 est due au choc lié au Covid 19 mais ne relève pas d’une tendance générale.

Analyse des données SSRTE de communautés sélectionnées

Le SSRTE de la Fondation ICI fonctionne par l’intermédiaire d’agents communautaires (relais communautaires), dont beaucoup sont membres de communautés de producteurs de cacao. Ces relais recueillent des informations pour identifier les cas de travail des enfants par le biais d’entretiens avec les familles et les enfants. Bien que la pandémie de Covid-19 ait restreint une partie du travail de la Fondation, les visites de suivi se sont poursuivies dans les communautés où les facilitateurs étaient déjà présents, tout en respectant les mesures de distanciation sociale. Au total, 1 443 ménages dans 263 communautés ont été visités et 3 223 enfants ont été interrogés pendant le confinement partiel. Ce système et cette structure uniques ont permis à ICI de mieux comprendre les changements qui se produisent sur le terrain dans cette sélection de communautés en cette période sans précédent.

Les résultats de l’analyse montrent une augmentation de 21,5% de l’identification du travail des enfants, par rapport à la même période de deux mois des années précédentes. Il n’est pas clair à ce stade ce qui a contribué à l’augmentation du travail des enfants durant cette période dans ces communautés mais les raisons pourraient être due à la fermeture des écoles, à des restrictions de mouvement entraînant une moindre disponibilité de la main-d’œuvre adulte, à un ralentissement économique affectant les producteurs de cacao, ou à une combinaison de ces facteurs et d’autres encore. Une enquête téléphonique distincte menée auprès de 515 producteurs de cacao en Côte d’Ivoire entre le 2 et le 9 juin a révélé que plus de la moitié des personnes interrogées rapportent une diminution des revenus du ménage, due à une combinaison de perte de revenus et d’augmentation de la pression sur le budget des ménages, du fait de la fermeture des écoles en mars.Une étude récemment publiée sur les preuves de l’impact des changements de revenus des petits exploitants agricoles sur le travail des enfants a également montré que les chocs négatifs sur les revenus tendent généralement à accroître le travail des enfants.

Dans les mois à venir, plus d’analyses seront nécessaires sur des series de données de plus long terme, et sur la base d’outils économétriques améliorés pour mieux comprendre les causes de cette augmentation et son évolution dans le temps.

Renforcer les efforts en cours de lutte contre le travail des enfants

Ces résultats mettent en évidence la vulnérabilité des ménages producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et montrent à quelle vitesse les progrès réalisés dans la lutte contre le travail des enfants peuvent être potentiellement inversés.

Les résultats soulignent la nécessité de mobiliser davantage de soutien international pour intensifier les efforts que le gouvernement, l’industrie et la société civile fournissent actuellement pour combattre le travail des enfants et améliorer l’accès des enfants à leurs droits fondamentaux, telle qu’une éducation de qualité. De plus en plus d’indices s’accumulent en faveur d’un impact positif de ces efforts sur les conditions de vie des enfants : le taux de scolarisation en primaire est passé de 67% en 2013 à 90% en 2018 d’après les statistiques d’UNESCO; les programmes de développement communautaires ont démontré leur efficacité à réduire le travail des enfants de 20 à 30%; et les SSRTE ont permis de réduire de 50% le travail dangereux des enfants parmi les cas identifiés.

« Le SSRTE génère des données en temps réel qui peuvent fournir une vue détaillée de ce qui se passe au niveau des ménages, des agriculteurs et des enfants dans les communautés productrices de cacao. Nous espérons que les résultats de cette analyse rapide pourront éclairer les décisions prises pour améliorer la vie des plus vulnérables en ces temps difficiles et la résilience des systèmes dont ils dépendent », a déclaré Nick Weatherill, Directeur Exécutif de la Fondation ICI.

Améliorer la résilience

De nombreuses restrictions de mouvement ont été assouplies et des écoles ont rouvert leurs portes. Mais le nombre de cas de la Covid-19 en Côte d’Ivoire continue d’augmenter et d’autres effets négatifs pourraient encore se faire sentir. Le rapport souligne la nécessité d’efforts supplémentaires pour aider les ménages de cacao à faire face aux chocs futurs – qu’ils soient liés aux revenus, à l’offre de travail, à la santé ou au climat. Ces efforts devraient inclure des interventions dont il a été prouvé qu’elles renforcent la résilience et réduisent le travail des enfants.

Ces résultats soulignent également l’importance de la préparation pour que les ménages de producteurs de cacao soient mieux à même de faire face aux chocs futurs. Les systèmes de prévention, d’identification et d’élimination du travail des enfants devraient être renforcés, afin qu’ils puissent soutenir les ménages d’agriculteurs au moment où ils en ont le plus besoin.

ICI examinera en plus de détail les causes de cette augmentation du travail des enfants, et explore actuellement une nouvelle collaboration avec la Fondation Jacobs pour tester des moyens innovants pour y répondre. Les résultats seront utilisés pour améliorer l’efficacité et la résilience des approches du gouvernement, de l’industrie et de la société civile, afin de garantir que les enfants des communautés productrices de cacao soient mieux protégés contre les chocs futurs.

Cette étude compare la situation observée dans 263 communautés productrices de cacao avant et durant le semi-confinement pour saisir les effets de ce choc sur le travail des enfants. Elle n’a pas été conçue pour analyser des tendances plus larges dans le domaine du travail des enfants – et ne devrait pas être utilisée pour tirer des conclusions en-dehors du cadre restreint de la période de pandémie.

Lire le rapport : Le travail dangereux des enfants dans les communautés de Côte d’Ivoire durant la COVID-19

Cette article a été publiée pour la première fois le 1er juillet 2020 et révisée le 22 juillet pour plus de clarté. Les résultats restent inchangés.