Écouter, s’informer, se former, échanger sur des sujets sensibles, tabous, pudiques sans faux-fuyant et en toute confiance. C’est ce qui réunit régulièrement les hommes et les femmes dans la communauté d'Assemanou, à 37 Km d'Abengourou en Côte d'Ivoire. Depuis presque un an, Nestlé et la fondation ICI, en partenariat avec World Cocoa Foundation et USAID (dans le cadre du Women's Economic Empowerment Initiative), initient des séances de dialogue de couple pour explorer les questions de l'égalité de genre dans des communautés cacaoyères, organisées autour des Associations Villageoises d'Epargne et de Crédit.

Des Associations Villageoises d'Epargne et de Crédit (AVEC - parfois nommé CFREC dans les activités de la fondation ICI), ont été mises en place depuis quelques années pour aider les ménages à augmenter leurs revenus et l'autonomisation de leurs membres féminins. Les séances de dialogue de couple ont pour objectif d'améliorer l'efficacité des AVEC et de veiller à ce que leurs impacts durent sur le long terme, minimiser leurs conséquences négatives et plus généralement, améliorer l'égalité de genre dans la communauté.

Les AVEC utilisent les contributions et l'épargne des membres pour financer des prêts aux membres du groupe. Elles permettent aux personnes vivant dans des communautés isolées d'accéder à des services de crédit et contribuent à améliorer la gestion financière au sein des ménages. Cependant, sans une compréhension approfondie du concept par les hommes, la participation des femmes à de tels groupes peut déclencher des sentiments d'injustice et dans certains cas, augmenter le risque de conflit, soulignant l'importance d'accompagner l'approche avec des discussions sur l'égalité des genre, comme c'est le cas à Assemanou.

Un matin peu ordinaire dans cette communauté. Les populations débattent âprement du sujet du jour choisi par le formateur. Il porte sur la communication et la confiance au sein du couple. C'est un des nombreux thèmes abordés dans les dialogues de couple, qui comprend aussi le concept du genre, les stéréotypes sur le genre, le pouvoir, le droit et la politique, les violences basées sur le genre et plus généralement une amélioration de l'estime de soi.

Selon Bouakari Gnampa, producteur de cacao, marié, père de 10 enfants et vivant à Assemanou, « il y a eu un grand changement chez les femmes du village » et en particulier chez sa femme. Pour preuve, il note les initiatives personnelles de son épouse : « Aujourd’hui, ma femme a changé, elle prend des initiatives. », a-t-il dit. Outre ce fait, il faut noter, la prise de conscience des hommes quant au respect et au soutien qu’ils doivent à leur épouse. « Avant, j’imposais mes décisions. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il faut discuter avec les femmes pour pouvoir avancer », indique Bouakari.

Participer davantage aux décisions familiales

Les femmes se disent heureuses de participer aux discussions de groupe et surtout de voir leurs hommes s'impliquer et prendre désormais des décisions pour les aider dans leurs tâches quotidiennes à la maison, lors des travaux champêtres ; pour les intégrer dans leur quotidien de chef de famille et surtout, prendre conseils auprès d’elles.

Une autre participante a indiqué que les séances de dialogue les avaient aidés, elle et son mari, à mieux résoudre les conflits aboutissant à la violence : « Avant, mon mari me battait (…)  Il ne me bat plus désormais. Mon mari a changé, il m’informe avant de poser un acte ou de sortir (…) Je me sens à l’aise et je suis heureuse », nous a-t-elle dit. 

Une vision différente chez les hommes de la communauté

Réticents au départ en majorité, les hommes ont fini par donner leur approbation aux discussions de groupe. Cela, eu égard au changement constaté chez leurs femmes et à la réussite des AVEC. Il en a été de même pour les autorités coutumières : « En tant que chef de village, je participe aux réunions. Je veux être informé de tout. Je ne veux pas d’interprète", nous a fait savoir le chef du village de Blégokoffikro (communauté située dans le département de Soubré), Konan Koffi Firmin. A l’en croire, les discussions de groupe ont changé le regard chez les hommes au sein de la communauté : « Les discussions plaisent. On a adhéré. Les hommes ont changé et cela envoie de l’amour dans les foyers », a-t-il affirmé. Fait également relevé par un autre homme de la communauté, Konan Martial N’guessan, marié, père de 5 enfants. Pour lui, les séances de dialogue l’ont personnellement transformé : « Je participe souvent et ça m’apporte beaucoup. J’ai même pris l’engagement d’aider ma femme à la maison et au champ. Il n’y a plus de querelles. Nous nous consultons, elle donne son accord et quand je dois me déplacer, je l’informe », a-t-il affirmé, tout souriant.

Kaboré Oumar, producteur de cacao, marié et père de trois enfants s’est prêté au jeu de scène établi avant la discussion. Le jeu de scène portait sur la confiance. A cet effet, il s’est laissé bander les yeux, signe de non-voyance, puis par la suite, s’est laissé guider par sa femme à l’aide d’un bois. Au terme des échanges, il revient sur ce qu’il a appris : « Aujourd’hui, j’ai compris que tu dois avoir confiance en ta femme. Si un problème survient demain, elle saura comment t’aider. Je n’assiste pas régulièrement, mais pour le peu que j’ai appris, je le mets en pratique », nous a-t-il assuré.

La création d'un comité de genre

Dans le cadre du projet, un comité de genre composé de membres de la communauté et d'un Conseiller technique (généralement un membre de la coopérative de cacao, formé par ICI) est mis en place dans chaque communauté et est soutenu pour sensibiliser à l'égalité de genre. Les séances se tiennent une fois par semaine, regroupent aussi bien les membres des AVEC que leurs partenaires. Pendant des séances, des résolutions de toutes les parties sont prises.

Le comité genre est chargé, par la suite, de soutenir la mise en applications desdites résolutions. Comme l’a dit Konaté Idrissa, membre du comité genre à Blégokoffikro, « le comité genre doit faire en sorte que les enfants aient la paix à la maison. Cela passe par la paix entre monsieur et madame. On règle donc les palabres dans les foyers en donnant des conseils ».

L'égalité de genre est une étape essentielle pour aider les communautés productrices de cacao à prospérer, assurer la protection des droits de l'enfant et des droits de l'homme, lutter contre le travail des enfants et le travail forcé. Les études montrent de plus en plus que lorsque les femmes du foyer sont plus autonomes, le bien-être des enfants et leur accès à l'éducation s'améliorent. Il est donc de plus en plus important d'aider les communautés productrices de cacao à lutter contre les inégalités entre les sexes. Apprendre plus sur comment l'autonomisation des femmes et l'égalité de genre peuvent contribuer à la lutte contre le travail des enfants.